Ne changez rien, tout va bien…

A chaque nouvelle nomination, l’espoir que les lignes bougent. Cette fois-ci J-C Combe et G.Darrieussecq. L’espoir toujours. On est pourtant nombreux à connaitre les coulisses des politiques du handicap. On nous reçoit, plutôt gentiment d’ailleurs, le sourire radieux, la communication affutée. On nous écoute, avec une forme de bienveillance, et on se quitte avec les meilleures intentions du monde. On nous demande de travailler sur des recommandations de bonnes pratiques, sur de nouveaux parcours de soin, sur de nouveaux décrets. Pour une société prenant en compte chaque individu, valorisant toutes les natures, accompagnants les plus démunis. On participe aux analyses, aux enquêtes, aux rapports, aux avis. Comme des centaines d’autres. Eux aussi ont l’espoir que les choses bougent. Parce qu’ils le vivent dans leur chair, dans leur quotidien, dans leurs maisons, dans leur métier. Ils sont usés de l’injustice sociale, de devoir informer toujours, expliquer et réexpliquer sans relâche, défendre leurs droits les plus fondamentaux, déplacer quotidiennement des montagnes pour se faire une place, pour la défendre en permanence. On nous félicite, on nous passe un peu de pommade dans le dos, on nous brosse dans le sens du poil, en frottant au poil de martre bien entendu.

Face à nous, des équipes souvent incompétentes sur les sujets du handicap, mal informées, peu documentées ou, lorsqu’elles le sont, ne réussissent à assurer que leurs fonctions de représentation politique (rencontrer les usagers, encore et encore, sourire, accueillir les paroles, promettre d’y réfléchir et d’y travailler puis recommencer le lendemain avec de nouveaux représentants d’usagers).

On ne compte plus les cas de corruptions organisées, connus, systématisés dans le secteur du handicap, les doubles fonctions publiques/privées problématiques, surtout lorsque les lois créées enrichissent les réseaux de ceux qui les valident.

On ne compte plus les auditions des « bénéficiaires » pour, au mieux, se donner bonne conscience, au pire, exploiter cette main d’œuvre bon marché.

On ne compte plus les projets engraissant les valides au détriment des supposés handicapés, sous couvert d’une action pseudo-bénéfique non évaluée, ou d’une innovation sociétale à développer.

On ne compte plus les dossiers inexploités qui ont mobilisé des centaines de personnes, qui dorment dans les placards ou ont reçu une fin de non recevoir, pour des raisons financières, économiques, ou stratégico-politiques ou simplement parce qu’elles n’ont pas été lues.

On ne compte plus les millions jetés par la fenêtre, qui ne servent à dorer le blason de ceux qui en ont imaginé les appels à projets. La désillusion est donc presque inévitable, et s’alimente d’une colère somme toute légitime lorsque nos législateurs s’auto-congratulent pour les formidables avancées accomplies.

Alors bien entendu les choses bougent, avancent, doucement, dans beaucoup de domaines. Heureusement d’ailleurs au regard des sommes engagées et de la masse salariale et bénévole mobilisée. Et les choses vont encore bouger, savez-vous pourquoi ? Si je préfère ne plus rien attendre des législateurs et de ceux qui les entourent (si ce n’est l’espoir d’une bonne surprise, il y a des gens très sérieux, engagés et soucieux de bien faire), il me semble que les choses bougent véritablement au niveau de ceux qui le vivent : les personnes concernées, les aidants, et les professionnels mobilisés dans leurs parcours de vie et dans leurs parcours de soin. Comme un grand réveil, qui opèrent depuis plusieurs années. Des milliers de personnes ont compris la mécanique. Ils sont d’ailleurs déjà très nombreux à avoir compris et s’être retiré. Et je crois que cette lucidité sonne le glas de ce qui n’est plus tolérable. Ces gens vont reprendre leur pouvoir et contribuer à enrailler le système. Ils le font déjà. Chez eux, dans les écoles, dans les établissements, dans leur asso, dans leur ville, dans le soin, à l’hôpital. Ils vont prendre leur place, faire entendre leur voix. J’entends partout dire que ça suffit. Que cette fois s’en est trop. Je vois partout des gens créer, construire et se rassembler. Chacun à son échelle, dans la mesure de ses possibilités. Des militants, des pacifistes, des éclaireurs, des créatifs, des rassembleurs, des défenseurs, des semeurs de graines, des hommes et des femmes droits dans leurs bottes, ou le cul bien stable dans leur fauteuil, bien décidés à dire et faire si nécessaire. Bien décidés à faire le nécessaire pour faire valoir leur propre fonctionnement, et qu’il soit aussi valable qu’un autre. Je crois que les choses vont bouger.

5 juillet 2022

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