Le corps se transforme régulièrement tout au long de la vie. Il est aussi malmené et perturbé par la maladie, le handicap, ou une différence qui s’accentue. Ces étapes peuvent mettent à mal le vécu intime de la relation au corps. Nadia, Laura et Pascal témoignent de leur parcours et de la façon dont ils vivent leur intimité corporelle.
L’adolescence, la grossesse, une prise de poids, le vieillissement sont autant de moments clefs de transformation du corps : la silhouette, la peau, les traits du visage évoluent, parfois de façon rapide et considérable. Le regard porté sur soi doit alors s’adapter à ces nouveaux états d’être.
La survenue de la maladie ou du handicap marque aussi parfois un tournant majeur dans le vécu corporel : il faut apprendre à vivre avec un membre manquant, un physique différent, une pilosité qui s’en va, des capacités qui ne sont plus les mêmes. « Le cancer m’a transformé physiquement en quelques semaines, j’ai beaucoup maigri, j’ai perdu mes cheveux, même la couleur de la peau était différente, je n’arrivais plus à me reconnaitre », explique Nadia. Cette nouvelle naissance de soi, parfois brutale, malmène le sentiment identitaire de nombreuses personnes. « Après mon accident, j’ai eu une longue période pendant laquelle je refusais que mes jambes ne fonctionnent plus. Je les détestais, je faisais tout pour les cacher et camoufler ma maigreur », explique Laura. Le rejet du corps ou son déni peut être une des défenses essentielles pour protéger son estime de soi, et apaiser cette crise presque identitaire : « j’ai longtemps pensé que je ne serai plus jamais l’homme d’avant, plus capable de quoique ce soit, ni pour moi ni pour mes proches. Je n’arrivais même plus à m’imaginer père de mes enfants, sans pouvoir jouer avec eux », confesse Pascal, qui a été touché par un accident sportif. Le vécu du corps présent est alors presque impossible, et laisse place à des projections passées (« avant mon accident, je pouvais faire ce que je voulais…), ou bien futures (« après mon cancer, je retrouverai mon aspect d’avant ») : « c’est seulement après ma deuxième rechute que j’ai vraiment pu me regarder, toucher mon corps, observer tous ses nouveaux petits aspects que je détestais… ce corps là, je n’en voulais pas », témoigne Nadia.
La comparaison au corps parfait s’ajoute souvent à la difficulté à appréhender toutes les composantes du corps : « j’étais adolescente très attentive au regard des autres, à bien m’habiller, à toujours lisser mes cheveux… en retournant au lycée, tout s’est effondré, avec le sentiment que je ne pourrai plus jamais avoir le physique des autres », confirme Laura. En dépit de toutes ces étapes d’adversité, leurs témoignages montrent que rien n’est jamais figé, et que les ressentis évoluent avec le temps : « aujourd’hui et même si je suis toujours sous traitement, je ne vois plus mon corps comme avant, au contraire, je le bichonne, je le remercie de me porter chaque jour, et j’accepte d’avoir l’air malade, parce que je le suis vraiment ». Nadia et Laura multiplient désormais toute une série de petits plaisirs : prendre un bain chaud, s’accorder un soin esthétique, se délecter d’une nouvelle crème pour le corps ou s’offrir un pull douillet pour se faire du bien. Autant de véritables nourritures pour l’estime du corps, et d’opportunités de sensations agréables, même si le physique ne fonctionne pas tout à fait. Pascal, lui, a investi le sport et son mental : « sans le sport adapté, que j’ai longtemps refusé parce que je ne voulais pas être avec des handis, je serais encore au fond du trou : aujourd’hui et encore plus qu’avant, c’est le basket qui me permet d’être bien et d’avoir une vie géniale ».
Les vies bousculent ainsi notre rapport au corps, poussant parfois au refus, au rejet, pour ensuite trouver de nouvelles façons de fonctionner, pour se sentir bien et s’accepter chaque jour un peu plus.
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