La notion de beauté est toute relative, elle se fonde tout d’abord sur un ensemble de critères issus de l’histoire et de l’inconscient collectif, mais aussi sur l’histoire de chacun, de nos goûts propres et de nos valeurs.
« Les médias nous inondent de canons de beauté aux corps parfaits, et il est très difficile de se sentir féminine et belle avec toutes ces références, témoigne Julie, une jeune femme en situation de handicap avec qui nous travaillons ». Si les références aux corps formatés et trop normés ne nous aident pas toujours à grandir et nous épanouir, certains regards nous apprennent au contraire à mieux nous accepter. Julie aime à raconter l’attitude de son entourage proche : « ma mère s’est toujours comportée avec moi comme avec mes autres frères et sœurs, même si ma vie quotidienne est plus problématique et très rythmée par les soins. Ma mère, ma grand-mère et ma tante m’ont appris le plaisir de se faire belle et d’être coquette. Elles ont toujours été un exemple pour moi et m’ont toujours permis de m’épanouir dans cette féminité ».
Le regard de l’entourage proche (papa, maman…) participe pleinement à notre potentielle beauté et à notre capacité à prendre soin de nous. L’entourage nous laisse parfois grandir et exprimer toutes les dimensions de notre être, de notre corps et notre authenticité ; il fait aussi parfois blocage, par soucis de contrôle et de possessivité : « t’as pas un peu grossi ? Cette robe ta va mais elle n’est pas trop décolletée ? » Le regard du père est un grand classique du genre : il permet a l’enfant d’évaluer s’il est naturellement suffisamment bon et de valeur pour être aimé. Son regard, plus ou moins valorisant, autorisera ou non à accomplir notre part de féminité. Qui suis-je pour lui ? Qu’attend-il de moi ? Qu’aime-t-il en moi ? Qu’a-t-il envie de gommer chez moi ? Les petites phrases assassines et les regards inappropriés sont aussi autant de potentiels dévastateurs et nous enfermer dans nos propres résistances et réticences à nous sentir beaux et authentique.
J’ai toujours été frappée par l’insistance avec laquelle les femmes que nous accueillons évoquent le regard de leur père, comme si pendant toutes ces années de relation, ce regard, parfois teinté d’amour, parfois d’autorité, d’admiration, d’incompréhension ou de déception était devenu un des baromètres de leur image personnelle. Autant d’indices perçus qui bâtissent une partie de l’identité. Le père est non seulement une référence d’images mais aussi une référence pour leurs relations amoureuses à l’âge adulte : certaines femmes choisiront un mari sur la base du modèle paternel qui les a toujours comblé, tandis que d’autres iront à la recherche des regards qu’elles n’ont jamais reçu.
La quête de regards juste est tout à fait normale et nécessaire : chaque adulte aspire à être perçu tel qu’il se sent profondément. Je me souviens de cette cliente qui tombait amoureuse de chaque homme qui lui déclarait leur flamme. En réalité, elle ne tombait pas amoureuse des hommes eux-mêmes, mais bien de leur regard amoureux, valorisant et fascinant. Catherine, 40 ans, divorcée et mère de deux enfants, seule depuis de nombreuses années, n’imaginait pas une seconde qu’il se passerait quelque chose avec son ami d’enfance : « nous prenions régulièrement des cafés ensemble pour parler de nos enfants, jusqu’au jour où il m’a embrassé». Elle aimait à raconter cette surprise aussi inattendu que réjouissante et à quel point ce nouveau regard porté sur elle l’avait bouleversé puis envahi de bonheur « je suis tombée amoureuse de lui très rapidement, il m’était impossible d’y renoncer ».
L’amour nous construit car il pose sur nous de nouveaux attributs ; cet homme me trouve magnifique lorsque je suis maquillée, coiffée, apprêtée et il me trouve tout aussi rayonnante au naturel, répétant à qui veut l’entendre « vraiment, je la préfère sans maquillage ». On devient belle sous tous les angles, grâce ce sentiment de beauté qui se révèle à lui et s’impose à nous par la même occasion.
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